Peut-on récupérer librement des sommes sur la paie d’un salarié ?

L’employeur peut, lorsque certaines conditions sont remplies, opérer une compensation sur le bulletin de paie entre les sommes qu’il doit au salarié et les sommes que le salarié lui doit. Cette compensation doit toutefois respecter certaines règles et limites.

 

  • Conditions de mise en œuvre de la compensation

La compensation entre les dettes du salarié et celles de l’employeur n’est possible que lorsque les conditions suivantes sont remplies. Il faut que les créances réciproques soient1 :

  • Fongibles, telle qu’une somme d’argent ;
  • Certaines, c’est-à-dire que leur existence ne soit pas contestée ;
  • Liquides, c’est-à-dire que leur montant soit connu ;
  • Exigibles, c’est-à-dire que leur terme soit échu et qu’elles ne soient pas prescrites ;
  • Connexes, c’est-à-dire résultant toutes les deux du contrat de travail.

À défaut, l’employeur ne peut pas procéder lui-même à la compensation et si le salarié ne rembourse pas de lui-même, la seule solution reste de saisir le juge.


Exemples de compensations admises

  • Versement au salarié de commissions non dues2 ;
  • Sommes dues à l’employeur en application d’une clause de dédit-formation3 ;
  • Maintien de salaire réalisé au titre de repos compensateurs qui n’étaient pas ouverts4.

 

Exemples de compensations non admises en raison de dettes non connexes

  • Créance résultant d’un contrat de prêt5 ;
  • Créance résultant des loyers dus à l’employeur en vertu d’un contrat de location distinct du contrat de travail6.


Les sommes versées au salarié par erreur peuvent être récupérées sur la paie de celui-ci puisque, en principe, l’erreur n’est pas créatrice de droits pour le salarié, même si elle a perduré dans le temps7. Mais la persistance d’une pratique peut être prise en compte par le juge pour établir l’intention volontaire de l’employeur et dans ce cas les avantages octroyés au salarié restent acquis.

Constitue une erreur régularisable :

  • Le versement d’un maintien de salaire alors que le salarié ne remplissait pas les conditions pour l’obtenir8 ;
  • L’indemnisation de 6 jours de congés pour ancienneté retirée d’office en raison de l’absence d’ancienneté requise9.


Ne constitue pas une erreur :

  • Le coefficient mentionné sur le bulletin de salaire différent de celui applicable selon la convention collective, révélant selon les juges une intention volontaire de surclasser le salarié10 ;
  • L’indication de congés payés reportés sur le bulletin de paie11.

Sauf reconnaissance d’une faute lourde12, l’employeur ne peut pas engager la responsabilité pécuniaire d’un salarié pour un dommage que ce dernier lui aurait causé (perte d’un badge13, dépassement du forfait téléphonique, dégradation du véhicule de l’entreprise…). Cette pratique s’analyse en une sanction pécuniaire prohibée.

 

Par ailleurs, sauf exceptions, la compensation entre le salaire et les dettes du salarié pour « fournitures diverses » de l’employeur est interdite14.

 

  • Modalités de la compensation

Les règles de droit civil relatives à la compensation doivent être articulées avec les règles du droit du travail qui protègent le salaire en cas de saisie du salaire15.

À l’inverse, les sommes qui n’ont pas la nature de salaire ne sont pas concernées par ces règles et sont, par conséquent, saisissables dans leur totalité. Il en va ainsi notamment des indemnités de licenciement16, de la participation et de l’intéressement.

  • Cas général

La compensation avec la rémunération du salarié ne peut s’effectuer que dans les limites de la saisie sur salaire (notamment respect des sommes saisissables, application du barème de saisie sur salaire et respect de la portion insaisissable du salaire, c’est-à-dire le montant du RSA pour une personne seule).
Le salarié ne peut pas renoncer à ces dispositions protectrices17.

Il est conseillé de prévenir le salarié avant de procéder à la compensation sur salaire.

  • Cas des avances

La Cour de cassation distingue l’indu de l’avance18. Les avances ne peuvent être récupérées que dans la limite du 10ème du salaire exigible, c’est-à-dire du salaire net.

    • La régularisation annuelle du salaire en fin de période d’annualisation du temps de travail doit être traitée comme une avance sur salaire19.
    • Les retenues sur salaire dans le but de récupérer des commissions indûment perçues peuvent être effectuées dans la limite du 10ème du salaire net. Ces commissions s’analysent en effet comme une avance sur salaire20.
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